Albert EVRARD sj
Cardinal Fernando Filoni, Et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Pour une spiritualité de l’Ordre du Saint-Sépulcre, Paris, Editions Salvator, 2021, 104 p. 10 EUR.
Cardinal depuis 2012, c’est le 8 décembre 2019 que l’auteur de ce livre est nommé Grand Maître de l’Ordre du Saint-Sépulcre. Le temps ensuite de prendre connaissance et d’observer la réalité et, s’imprégnant de l’odeur du parfum, de publier en 2020 un plaidoyer pour une spiritualité de l’Ordre.
Notons que tout baptisé, avant d’être adoubé, a déjà développé une spiritualité. Autrement dit, chacun a déjà fait grandir une manière unique et personnelle de dialoguer avec le Seigneur, née d’une rencontre intime, nourrie dans une communauté de foi, d’espérance et de charité, aux dimensions aussi successives et multiples que la famille, la paroisse, les lieux d’apprentissage et la vie faite de rencontres aimantes.
L’inscription dans l’Ordre n’affadit pas ces dimensions, elle invite, au contraire, à les relever en s’imprégnant des effluves propres à chaque Lieutenance ou Délégation Magistrale. Ainsi, les membres ou futurs membres sont à même de sentir dans l’Ordre, une manière d’accomplir ce qui est déjà bien là, en y respirant et en y agissant avec fruit exhalant la charité, dans un engagement particuliers aux senteurs de Terre Sainte.
Que représente alors cet accomplissement ? Pour quelles fins ? De quelle cohérence de vie rend compte cet engagement dans l’Ordre à une certaine étape de notre vie ? Voilà des questions soulevées par ce qui se présente comme un premier livre traitant d’une spiritualité propre à l’Ordre du Saint- Sépulcre. Ce livre à la vocation internationale nous y invite en sachant qu’il résonnera autrement dans chaque Lieutenance ou Délégation Magistrale comme il sera reçu autrement dans le cœur de chacun.
Après avoir précisé dans une introduction ce qu’est l’Ordre et les particularités d’un ordre chevaleresque, notamment à travers deux pages consacrées à Ignace de Loyola, l’entrée dans les Ecritures à laquelle est consacrée la première partie, invite à lire et méditer les étapes de la vie du Christ marquée par des lieux en Terre Sainte, pour vaporiser le parfum et suivre une trace au nez, pas à pas. La deuxième partie rappelle ensuite que l’engagement dans l’Ordre est confirmé par l’Eglise et se vit en son sein. C’est là que brûle le parfum, c’est là qu’il continue à se répandre, c’est de là qu’il doit déborder pour être doux baume répandu sur chacun qui en perçoit la délicate emprunte. C’est bien dans une Lieutenance ou une Délégation Magistrale ouverte sur la dimension internationale de l’Ordre que se déposent les fragrances reconnaissables en chacun de nous, où que l’on se trouve… Enfin, sans être une conclusion, quatre pages forment un envoi de chacun précédant une bénédiction. C’est qu’avoir humé le parfum nous porte à désirer que d’autres s’en enivrent, nous porte à en déposer sur les pieds des autres, en serviteur : celle montrée par Jésus sur le chemin de Béthanie que rappelle l’image de couverture du livre présentant un fragment de la mosaïque ornant les murs de la chapelle privée du Pape.
Le lecteur pressé repérera les pages où sont mentionnés les Chevaliers et Dames. Elles décrivent ce qui est attendu de chacun afin qu’il soit au parfum, si je puis dire. Rappel de la nature de l’engagement, rappel de ce qui fait l’identité du servant animé des valeurs les plus hautement aimantes, rappel de la prière comme animateur de cette dynamique personnelle et collective. C’est que depuis la Résurrection, chacun participe à ce parfum d’absence qui souligne davantage une présence dans le monde et dans nos vies. Cela ne peut qu’inviter à ralentir le pas pour ajuster son haleine à celle de ses émanations du sépulcre qui enrichissent le bouquet de la vie.
Un lecteur plus averti qui serait intéressé par le texte original, ne trouvera cependant pas la référence au traducteur ni au texte initialement paru en italien. Pas plus il ne trouvera toutes les références aux pages des textes cités. Il trouvera cependant une belle progression dans les Ecritures ouvrant à l’approfondissement de la foi. C’est ce qui compte. Alors, pourquoi ne pas laisser aux sections diocésaines l’occasion de lire ce livre ? Pourquoi pas en faire le thème d’une retraite ou d’une récollection ? Il reste à trouver les moyens de se l’appro-prier.