Spiritualité

Charisme

« Regarde vers l'Orient, Jérusalem, et vois l'allégresse qui te vient de Dieu. »

Le tombeau vide, charisme et lieu de convergence

À l’origine de l’Ordre, il y a un attachement intime au Saint Sépulcre d’où Jésus est sorti vivant. Collectivement, la Terre du Ressuscité est vite devenue un lieu de pèlerinage où les chrétiens, venant de partout, n’ont cessé de se rendre en grand nombre. Le saisissement par cette terre bénie s’accentue, chez la personne interpellée, au fur et à mesure de la prise de conscience de sa centralité dans la foi chrétienne. C’est cela un charisme : une figure du Christ, un aspect de l’évangile qui interpelle. Un groupe déploie cette couleur d’évangile dans le Corps du Christ qu’est l’Église. Généralement, une personne a été dépositaire de l’intuition, du charisme fondateur. D’autres reçoivent l’appel à sa suite. Des congrégations, des Familles, des Ordres naissent, fidèles à cette harmonique particulière du Christ. Au travers de statuts, l’Église les mandate pour déployer cet aspect de l’évangile, c’est leur couleur propre, leur unicité dans le Corps.

Parmi ces groupes, l’Ordre du Saint Sépulcre de Jérusalem a son charisme, son harmonique propre. La pierre roulée du Saint Sépulcre au matin de la Résurrection a laissé le caveau vide. Ce lieu de la naissance de l’Église est honoré parce que Christ y a donné sa vie pour nous, mais surtout parce qu’il en est sorti vivant. Le charisme de l’Ordre du Saint Sépulcre est précisément de témoigner du Ressuscité. C’est un appel immense et intense. Le pape François rappelait aux 3000 membres réunis à Rome, en septembre 2013 :

« Un lien antique vous lie au Saint Sépulcre […] Jésus-Christ crucifié et ressuscité doit vraiment être le centre de votre existence et de tout projet personnel ou associatif ».

On peut toujours visiter ce Sépulcre Saint à Jérusalem et, avec un coup de providence, y vivre une célébration eucharistique. L’assistance se tient à l’extérieur : l’immense lieu du triomphe de la Vie, d’où l’Ordre du Saint Sépulcre tire son identité, est confiné dans un réduit minuscule.

Mais les dames et chevaliers sont-ils seulement mobilisés par la préservation de vieilles pierres, comme une arrière-garde veillant sur le pieux souvenir d’un mausolée grandiose réduit à un caveau? La garde de ce lieu spécifique à l’origine s’est transformée avec le temps. Elle devient une volonté d’engagement à vivre la foi qui est la nôtre en communion spirituelle et physique avec les chrétiennes et les chrétiens de Terre Sainte. Par leur soutien, les membres contribuent de manière nouvelle et extensive à la garde du caveau d’où le Christ est sorti au matin de Pâques. La spiritualité de l’OÉSSJ en est ainsi une de vivants qui témoignent dans le plus menu de leur vie que Christ est ressuscité, qu’il veut, à sa suite, nous tirer de toutes nos morts, de tous nos sépulcres.

Pour les membres, tout converge vers le Saint Sépulcre, et vers la Terre Sainte par extension. Physiquement, ils sont invités à effectuer au moins une fois dans leur vie par le pèlerinage à Jérusalem. Spirituellement ils accomplissent un pèlerinage intérieur. Matériellement, ils soutiennent financièrement cette terre de Jésus pour que la foi chrétienne continue d’être vécue dans son lieu originaire. Dames et chevaliers assument ainsi le cri d’Isaïe :

« À cause de Jérusalem, je ne me tairai pas! » (Isaïe 62,1)

Les membres n’adhèrent pas à un Ordre simplement caritatif ou honorifique comme d’autres groupes civils et religieux. L’Ordre propose plutôt une véritable ambition spirituelle et un engagement profond et permanent au service de nos frères et sœurs de Terre Sainte. Bartolo Longo (1841-1926), est le seul laïque béatifié dans l’Ordre. Fait Chevalier Grande Croix de la lieutenance napolitaine en 1925, sa béatification date de 1980 par Jean-Paul II. Il est fêté le 5 octobre.

La sainteté interpelle-t-elle encore aujourd’hui?
L’Ordre est un chemin de sanctification. Le détail « Le Ciel d’Amérique » de l’icône de la Communion des saints présente des saints et saintes et bienheureux du Québec qui se sont laissés transfigurer par le Christ. Chevaliers et dames sont convoqués à cette aventure extraordinaire.

Mission

SI JE T’OUBLIE JÉRUSALEM

L’Ordre a, depuis ses origines, la mission d’être pour ses membres un lieu d’approfondissement de leur vie spirituelle et de foi, en fidélité au Souverain Pontife et selon les enseignements de l’Église. Il a aussi pour mission d’encourager la conservation et la propagation de la Foi en Terre Sainte. Cet engagement spirituel des membres se concrétise, en observant les principes de la charité, en un important soutien financier en faveur de cette terre bénie où le Christ a vécu.

L’Ordre a pour mission particulière de soutenir et d’aider les œuvres et institutions caritatives, culturelles et sociales du Patriarcat latin de Jérusalem avec lequel il entretient des liens traditionnels. D’aucuns se disent que les besoins locaux de nos sociétés et diocèses sont déjà si grands, comment se préoccuper de lieux si éloignés? La question est légitime, mais justement … qui d’autre s’occupera de ce petit reste si isolé de Palestine?

La juridiction du Patriarcat de Jérusalem recouvre Israël, la Jordanie, les Territoires occupés (la Cisjordanie et Gaza) et Chypre. La population chrétienne y diminue dramatiquement. Dans certaines régions, il ne reste pas plus de 2% de chrétiens qui survivent tant bien que mal. Le besoin d’un soutien est criant. L’Ordre y intéresse les catholiques du monde entier et particulièrement ses membres. Certains demeurent marqués d’avoir entendu de ces chrétiens oubliés et si courageux leur dire : « Si vous saviez comme ça nous fait du bien de savoir que dans le monde, des personnes savent que nous existons ». Lors d’une visite à l’université de Bethléem un membre s’étonnait un jour que l’Ordre supporte une université dont plus des deux tiers des étudiants sont juifs ou musulmans. Le recteur lui répondait pacifiquement : « Nous préparons l’élite de demain. Quand les bombes cesseront, elle prendra la relève, pendant un temps elle aura expérimenté la sécurité et la paix. Des étudiants de différentes dénominations, aux mêmes aspirations, se seront côtoyés à l’abri des conflits. Cette coexistence momentanée et axée sur le développement est un ciment pour l’avenir ». Yérushalem deviendra son nom : Ville de la paix. À la tentation du désespoir et de l’exode, les nouvelles générations pourront répondre par l’espérance d’une paix possible. L’éducation en est un ingrédient essentiel, c’est pourquoi l’Ordre y investit beaucoup.

Après son pèlerinage historique en Terre Sainte, le pape Paul VI confiait, dans un Discours aux membres de notre Ordre en 1964, :

« Continuez à aimer ces Lieux Saints, d’une prédilection toujours plus intense et plus pieuse ; continuez à y chercher et à y honorer la terre sanctifiée par les pas du Fils de l’homme ; continuez à promouvoir là-bas les oeuvres de religion, d’instruction, de charité, qui y attestent la présence tenace et aimante de l’Église catholique ; accroissez, si vous le pouvez, votre effort de bienfaisance spirituelle et corporelle pour ces populations. »

Ce n’est pas en vain que Dames et Chevaliers sont encouragés à se rendre régulièrement en pèlerinage en Terre Sainte. Ils expriment concrètement un soutien moral aux chrétiens de cette région du monde qui, dans un climat de crise à la fois économique et politique, deviennent les acteurs de la « culture de la rencontre » pour le service de la paix. Le Cardinal Alfonso Filoni, Grand Maître de l’ordre appelait, en juin 2020, à :

[…] réchauffer les coeurs pour la Terre de Jésus et pour les « pierres vivantes » qui l’habitent encore aujourd’hui. Cela fait partie de notre mission. Soyez comme le prisme qui transmet des couleurs vibrantes grâce à la lumière qui ne lui appartient pas, mais qu’il reçoit en don. […]

N’hésitez donc pas à être des « missionnaires », et non des « prosélytes », de l’Ordre et que le témoignage des jours passés dans la Terre de Jésus, en particulier lorsque vous ne portez pas le manteau qui vous identifie comme Chevaliers et Dames, soit utile à cela. »

Tout en privilégiant la mission qui les lie à la Terre Sainte, les chevaliers et dames ont aussi à cœur d’exprimer chaleureusement leur soutien aux instances diocésaines et vaticanes de l’Église. Ils répondent en cela aux demandes du Grand Maître.

SI JE T’OUBLIE JÉRUSALEM
que ma main droite m’oublie
(qu’elle perde sa force !)
Si je ne me souviens de toi,
Si je ne fais de toi le principal sujet de ma joie!

Notre-Dame de Palestine

Une dévotion filiale à la bienheureuse Vierge Marie est une caractéristique particulière que développent les membres de l’Ordre. La foi de Marie Mère de Jésus illuminait la route des premiers disciples. Elle éclaire le chemin que prennent les chevaliers et dames. Marie est la « femme fidèle à la voix de l’esprit, la femme du silence et de l’espérance » (Jean-Paul II, Tertio Millennio Adveniente, 48). Fêtée le 25 octobre, Notre Dame de Palestine rassemble, le dernier dimanche d’octobre, des centaines de pèlerins au monastère Notre-Dame-de-Palestine, ou monastère de Deir Rafat, dans le centre de l’État d’Israël. Les membres font leur cette prière à Marie de Palestine :

Ô Marie, reine de Terre-Sainte, protégez ce pays qui fut le vôtre ;

protégez ceux et celles qui l’habitent,

spécialement les disciples de votre Fils.

Chez eux, Jésus souffrit Sa Passion, fut mis au tombeau et ressuscita,

ouvrant ainsi les portes du Salut.

Aidez les chrétiens à retrouver la paix et la concorde

dans le pardon et la justice;

Aidez-nous à les conforter dans la foi avec fraternité et générosité,

conformément à nos promesses.

Que sous la conduite de votre Fils, l’unique Pasteur,

nous formions, tous ensemble, un seul troupeau,

en marche vers l’unique bercail.

Amen.

L’icône de Notre Dame de Palestine, écrite par Gilberte Massicotte Éthier (photo : Fonds Daniel Abel), est du type Vierge Hodighitria. Cela signifie : ‘celle qui montre le chemin’. Marie montre son Fils de sa main, le proposant comme « le » chemin. L’enfant debout est sans âge, déjà il est revêtu de l’habit sacerdotal. Cela campe sa mission : il vient sauver le monde. La croix de Jérusalem est posée sur ce qui pourrait évoquer la basilique du Saint Sépulcre, ou le Sépulcre lui-même. C’est le point central de l’icône, tout petit mais tout y est ordonné.

Ce point de convergence résume le cœur du mystère du salut : Jésus vient pour donner sa vie, pour ressusciter d’entre les morts. La main de la Mère et celle du Fils pointent vers cet essentiel. L’Ordre du Saint-Sépulcre est investi de cette figure d’évangile, du Christ sortant vivant du Sépulcre, moteur de notre rassemblement, cœur du mystère du salut.​

La technique utilisée par l’iconographe, feue Gilberte Massicotte-Éthier (GMÉ), reprend fidèlement celle de l’iconographie authentique, orientale, dite détrempe à l’œuf. Elle est exécutée en tout respect des canons iconographiques reconnus. L’iconographe a utilisé une planche de bois plein, récupérée de vieux bancs d’église. La forme arrondie apporte une difficulté technique supplémentaire, mais surtout, elle est porteuse de sens. Cette forme arrondie renvoie à celle des momies d’abord, puis de pierres tombales anciennes. C’est sur cet « autel » que l’icône est écrite. Les couleurs sont produites par des pigments végétaux naturels, liés par un jaune d’oeuf et fixés sur la planche sculptée. Sur les icônes du Christ dites Pantocrator, celui qui est tout en tout, sa tunique est bleue, couleur de la divinité : il est Dieu. Son manteau est rouge pour évoquer sa royauté et son sang versé.

Vêtements

Le vêtement

Le costume pose parfois question, même aux membres au début. Y a-t-il une pertinence aujourd’hui? Ce vêtement n’est ni un signe de ralliement, ni un instrument de vanité ou de parade, son importance dépasse la signification vestimentaire. Sa symbolique est forte. La cape est bénie et a une signification liturgique. Quand Élie jette son manteau sur Élisée dans l’Ancien Testament, il le consacre et en fait son successeur comme prophète du Très-haut (1 Rois 19, 19-21).

Saint Paul appelle à revêtir l’armure du chrétien (Eph 6, 11-17), les armes sont spirituelles :

« Revêtez l’armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes. C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes. Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l’Évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. »

L’habit, porté à l’église et dans les grandes cérémonies, fait écho à l’habit du chevalier au Moyen-Âge. L’habit aujourd’hui brise le tabou d’un monde orphelin de Dieu. Heurte-t-il le regard d’une certaine laïcité? S’il provoque parfois, il veut surtout évoquer d’un coup d’œil que le Dieu trinitaire n’a pas disparu de l’horizon de l’humanité. Il est signe que des chrétiennes, chrétiens, témoignent aujourd’hui de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu.

La croix de Jérusalem posée sur le manteau et au cou des dames et chevaliers est un insigne important : elle rappelle le sacrifice du Christ et la marque du salut, elle est un signe de leur baptême et de leur engagement. Le blanc évoque la pureté à laquelle tend la personne qui avance dans l’alliance avec Dieu. Il symbolise aussi la démarche de « conversion » (du latin convertere), d’un retournement intérieur. Signe de noblesse, le noir inspire le respect. Il évoque aussi l’idée de l’effacement de l’apparence au profit de l’être. Noir comme blanc sont couleurs de fête solennelle.

La mantille de la femme, diminutif de l’espagnol manta (couverture), est une écharpe de soie ou de dentelle dont les femmes espagnoles se couvrent, on la voit peu depuis les années 1960. Elle était à l’époque le signe social de la dignité de la femme libre. Les Dames la porte dans l’Ordre lors des célébrations solennelles. À l’encontre du voile islamique, elle n’a rien d’une tenue obligatoire ou d’un signe de soumission, elle est plutôt un signe de piété. La porter comme pour le béret), devient l’occasion d’un voyage spirituel. Madeleine-Marie, compositrice française, chante « Sous ma mantille je suis dans un espace sacré ». Son port transforme le cœur.

Le vêtement n’est donc pas un bout de tissu anodin, une simple décoration destinée à flatter l’esthétisme. Tout a un sens pour la personne qui le porte. Il marque l’appartenance à Dieu et le rappel constant de la préoccupation pour la Terre sainte. La cape n’a d’ailleurs rien de magique, elle ne dispense pas du combat spirituel. Dames et chevaliers s’en montrent dignes en revêtant les attitudes chevaleresques de miséricorde, de bonté, douceur, générosité, humilité, droiture, fidélité, courtoisie, protection, bienveillance, de charité (Colossiens 3, 12-14).

Armoiries

La croix de Jérusalem

La croix de Jérusalem, ou croix du Saint Sépulcre, est riche de signification. Elle est potencée (les extrémités se terminent en « T »). Les deux branches égales se rencontrent au centre, selon le modèle oriental (sur la croix romaine le croisement se fait plus haut). Les quatre espaces vides autour de la croix centrale sont les « cantons ». La croix principale est ainsi « cantonnée » de quatre petites croix, les croisettes. Plusieurs interprétations vont dans le sens qu’elles illustrent les quatre points cardinaux, signifiant que par la Croix, le salut s’adresse au monde entier. L’ensemble des cinq croix, également appelé la croix quintuplée, rappelle les cinq plaies infligées au Christ au Golgotha.

Les armoiries

Les armoiries. Les descriptions héraldiques (qui étudient les armoiries), déroutent, le nom des couleurs en particulier. Dans ce langage, l’emblème de l’Ordre est composé d’un écu au champs (fonds) d’argent (couleur blanche). L’écu présente une croix potencée munie de quatre croisettes « de gueules » (couleur rouge). Au-dessus de l’écu, la casque (heaume) est surmonté d’un cimier : c’est l’ornement au-dessus du casque. Il est composé ici qui présente deux éléments. D’abord, minuscule au centre, un globe d’or (soit la couleur jaune). Depuis le Moyen-Âge, cette figuration d’une petite croix posée sur un globe est un symbole d’autorité. Dans l’iconographie, par exemple l’icône de la Vierge de Palestine, la petite croix qui surplombe rappelle la royauté du Christ. Le second élément du cimier est la couronne d’épines, elle est dite de sable, soit de couleur noire. Le tout est entouré, en guise de tenants, de deux anges en dalmatique de gueules (donc rouge) ornée d’une coquille sur la poitrine. Celui à dextre (à droite, donc à notre gauche) tient une bannière d’or à la croix de gueules; celui à senestre (à gauche) tient un bourdon (ainsi nommé le bâton du pèlerin au Moyen-âge). Sous l’écu se lit la devise : « Deus lo vult ».